«Il est bon de voyager quelques fois; cela étend les idées et rabat l’amour-propre » disait Sainte-Beuve.
Devenue incontournable pour les grandes entreprises françaises, la « Learning Expedition » permet d’appliquer le sage principe de Sainte-Beuve. Cette approche consiste à découvrir comment certaines entreprises innovent ailleurs, non pour dévoiler des secrets mais pour s’inspirer et faire progresser tous les participants, au travers des groupes de travail. Les enjeux communs sont énormes et ces temps d’immersion sont l’occasion de repenser complètement les métiers et les habitudes « corporate ».
S’enrichir d’expériences multiples
Pour répondre aux enjeux complexes de leur secteur, les dirigeants doivent aujourd’hui posséder la même soif d’innovations que les grands explorateurs partant à la découverte de terres inconnues.
Ces séminaires d’immersion sont l’occasion de faire quelques pas de côté. Ils se concentrent sur les nouvelles tendances et les éléments novateurs au sein de l’écosystème. Ils permettent de détecter les signaux faibles, et de découvrir les secteurs attenants au cœur du marché, à la clé souvent de nouvelles opportunités de différenciation.
Un voyage d’étude n’est pas le moment pour conclure des accords ou finaliser des projets. C’est bien une occasion d’enrichir les esprits loin du quotidien, et d’intégrer de nouveaux écosystèmes. La « Learning Expedition » permet d’entamer une mutation interne à l’entreprise, en appréhendant le marché de manière ouverte, et en questionnant la cohésion interne de ces nouvelles pratiques.
Le responsable d’une « Learning Expedition » définit l’angle du voyage. L’idée n’est pas de multiplier les escales, ce n’est pas une sortie touristique. La valeur ajoutée des voyages apprenants se situe dans les débriefings collectifs qui permettent de réfléchir à ce qui vient d’être dit après chaque rencontre. Les découvertes se consolident, les bonnes idées des autres se transposent sur le projet interne, l’innovation fait son chemin dans les esprits des participants.
Une nouvelle manière de concevoir la stratégie
L’immersion sur plusieurs jours est une condition contraignante mais nécessaire. L’élaboration d’une nouvelle stratégie d’entreprise disruptive par rapport aux pratiques actuelles est accélérée par la distance avec les habitudes et le quotidien. Ce mode de construction des stratégies d’innovation s’ancre profondément dans les pratiques des grandes entreprises, quel qu’en soit l’organisateur.
Certaines learning expeditions sont pilotées par des universités d’entreprises, comme c’est le cas avec l’atelier BNP Paribas qui en propose aux dirigeants des banques. Orange a également envoyé 80 membres de la direction des ressources humaines visiter les centres de recherche du groupe à travers le monde pour concevoir des projets innovants en leur faisant mettre en commun leur expérience.
D’autres sont organisées par des grandes écoles : la directrice générale de l’Institut Multi-Médias (Mediaschool group) vient ainsi de conduire 25 dirigeants de médias aux Etats-Unis durant une « Learning Expedition » d’une semaine.
Ou d’autres enfin sont construites par des agences conseil, qui emmènent des chefs d’entreprises visiter des capitales sur des thèmes précis. Chacun consigne ses observations pour une exploitation future qui donnera lieu à des débats de haut niveau débouchant sur des propositions correspondant aux objectifs de l’entreprise.
L’intelligence collective au service d’une vision positive
La « Learning Expedition » s’appuie sur une méthode développée par Descartes dans son Discours de la Méthode. L’objectif est de provoquer des discussions sur des thèmes choisis préalablement et d’amener un groupe de responsables à travailler ensemble sur une problématique pour permettre à chaque talent de s’exprimer et d’en extraire le génie collectif.
Plus efficace qu’un séminaire, l’essentiel d’une « Learning Expedition » se joue durant les ateliers de débriefing. Plonger un manager dans un environnement apparemment éloigné de son domaine peut lui démontrer que d’autres voies sont possibles et l’ouvrir à de nouvelles pistes d’actions. Le cerveau reptilien prend le relais en fonctionnant sur le ressenti et non plus sur l’analyse.
La « Learning Expedition » permet de rencontrer ses pairs, d’observer sur le terrain et d’apprendre in situ. L’expérience doit faire évoluer la vision des choses et des situations, avec pour but de surprendre, voire de déstabiliser les principaux intéressés qui ne se déplacent pas pour un simple cours d’analyse stratégique et financière.
Ces voyages sont profitables pour de nombreuses fonctions dans l’entreprise : dirigeants, managers, chefs de projets, chargés de missions transversaux … L’unique condition consiste à ne pas fausser les débats par des enjeux internes, donc de réunir des participants sans lien hiérarchique et idéalement sans liens commerciaux.
Ces outils se développement aussi en formation interne : Leroy Merlin consacre chaque année un gros budget pour la formation dont 10 000 euros à développer l’excellence de ses dirigeants et pratique depuis quinze ans des « Learning Expedition ». D’autres se sont développées plus récemment, depuis ces cinq dernières années, chez Renault, Lafarge, Schneider, Gemplus, Sita France ou encore Electric. Les learning expeditions sont des outils ajustables à de nombreux enjeux : création d’une nouvelle activité, hybridation du business model, diversification, …
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