Si le terme de responsabilité sociale des entreprises (RSE) jouit d’une forte notoriété depuis quelques années, celui de territoire socialement responsable (TSR) reste encore à expliquer. Cette méthodologie, mise en point par le Réseau européen des villes et régions de l’économie sociale (REVES), décrit une démarche participative de mise en place de politiques publiques, aidée par des initiatives de la société civile, notamment d’organisations relevant de l’économie sociale et solidaire.
Pour vous l’expliquer, nous allons nous appuyer sur l’expérience menée entre 2008 et 2010 par un pôle urbain en Italie, ainsi que sur d’autres projets français dans la même veine.
L’idée générale : s’appuyer sur le dynamisme de la société civile locale
L’agglomération de Faenza, située en Emilie-Romagne, a été la première à mettre en œuvre l’approche TSR en grandeur nature. Il faut souligner que l’ensemble urbain compte presque autant de membres d’associations que d’habitants dans la ville-même de Faenza ! Un terreau particulièrement propice à l’implémentation d’une méthode participative.
L’expérience italienne s’est déroulée en quatre étapes :
- Analyse des enjeux et du contexte local
- Mise au point d’outils de mesure
- Evaluation de l’existant face aux différents scénarios
- Lancement des programmes publics
Les 23000 foyers de la région ont reçu un questionnaire, envoyé par la mairie, afin de se prononcer sur les aspects économiques, sociaux, culturels et environnementaux. D’autres questionnaires ont été adressés à la population via les réseaux associatifs impliqués dans le projet, avec toujours cette volonté de stimuler l’engagement citoyen dans la prise de décision de politiques publiques locales.
On a ainsi demandé aux habitants de se prononcer, non pas sur leur situation personnelle, mais sur leur ressenti des actions collectives, et sur leurs solutions pour améliorer la situation.
Au final, un dixième des personnes se sont prononcées sur des sujets aussi divers que la prise en charge des personnes en situation de handicap mental ou l’aménagement d’espaces culturels pour la jeunesse. Il s’agit d’un taux de réponse particulièrement élevé pour une initiative de ce type, qui démontre l’intérêt des habitants pour les politiques sociales auxquelles la municipalité consacre tout de même près de 50% de son budget.
Le résultat le plus concret de ces phases de TSR est une amélioration significative de la dynamique territoriale. Elles ont doté les coopératives de techniques d’écoute et de participation vers des usagers ou des administrateurs de coopératives. En outre, la population a pu acquérir une vision moins individualiste des enjeux sociaux locaux, évoluant vers une compréhension des besoins dans un cadre davantage collectif.
En France, c’est d’abord la gestion des compétences qui s’est organisée de manière territoriale
S’il n’existe pas encore en France d’exemple de TSR comparable à celui de Faenza, un grand nombre de démarches socialement responsables, souvent des petites initiatives, a vu le jour pour accompagner la transformation des territoires dans le cadre de la responsabilité sociale.
Face aux défis posés par le chômage dans les territoires, des collectivités ont mené des démarches de gestion territoriale des emplois et des compétences (GTEC) pour organiser l’action à l’échelle non plus d’une entreprise (GPEC) ou d’une partie de la problématique (politique de l’emploi) mais bien sur l’ensemble du bassin de vie et en intégrant des questions transversales (insertion >> emploi >> développement économique des principales filières locales).
Exemple dans un territoire rural : dans le pays de Grésivaudan, qui regroupe 100000 habitants dans une cinquantaine de communes, l’implémentation d’une approche TSR permet de résoudre l’écart entre les deux rives de l’Isère, une économiquement active et l’autre en pleine restructuration.
Le pays des territoires de Lorraine, encouragé par la réussite d’un projet TSR ayant soutenu 140 actions en zone rurale entre 2008 et 2014, s’est quant à lui lancé dans un ambitieux chantier appelé « Territoire Leader » pour proposer de nouvelles formes d’émergence économique sur son territoire, notamment sur la transition énergétique ou l’économie circulaire.
L’économie circulaire, c’est notamment ce qui a été mis en place à Saint-Secondin (86) où les équipements collectifs (cantine, maison de retraite, vestiaires de football, etc) sont chauffés depuis 2009 par le recyclage des déchets de bois produits par les industries locales.
Les exemples se multiplient de ces territoires, en Europe et en France, qui ont donc pris conscience de l’efficacité des actions collectives associant toutes les forces vives, dont les habitants.
Agir à partir des ressources déjà présentes, sans distinction factice entre ceux qui initient et ceux qui bénéficient d’une politique publique : gageons que le développement des projets de territoires socialement responsables sera une des clés d’action de la prochaine décennie.
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